Le Grand Prix de cette année est décerné à un universitaire d’exception, le professeur Jean-Marc Daniel, un homme qui nous apporte des idées, une forte conviction et un franc-parler savoureux.
Car ce grand Prix est mérité pour au moins quatre raisons.
En premier lieu, par votre qualité de serviteur de l’État
Économiste très distingué, certes, mais pas seulement. Vous êtes aussi, M. Daniel, un serviteur de l’État.
Polytechnique, l’ENSAE, l’INSEE, des cabinets ministériels. Et deux belles administrations : la mission régionale et la mal-aimée mais très méritoire direction du budget.
Je vous ai succédé modestement dans ces deux directions, et j’ai en mémoire l’excellence du souvenir de votre passage que me rapportaient vos anciens collègues.
En second lieu, par vos qualités pédagogiques
Vous êtes un économiste talentueux aussi, qui a défriché avec tous les domaines de la matière : la pensée économique, les crises, les politiques économiques — à l’égard desquelles vous portez un regard sévère — la croissance, l’inflation, les impôts et notre matraquage fiscal, les mensonges économiques, les incidences du réchauffement climatique, et j’en passe.
Et tout cela décliné avec un réel talent de pédagogue, de vulgarisateur que l’on peut saluer aussi bien dans vos cours que dans vos nombreux ouvrages ou dans vos prestations médiatiques grand public, où l’on sait vos positions tranchées, iconoclastes, pour reprendre l’adjectif auquel vous accolez votre histoire des idées économiques, disruptives, si l‘on privilégie une phraséologie macronienne.
En troisième lieu, par votre sens du temps long au sens braudélien du terme
Pédagogue dans le domaine économique, vos analyses bénéficient d’une épaisseur historique. Le philosophe du temps Marcel Proust l’avait bien dit : « Le passé n’est pas seulement fugace, il reste sur place. »
Vous présentez vos thèses, au-delà des modèles, des chiffres, en prenant en compte l’histoire, même ancienne, les réalités institutionnelles, l’histoire que vous qualifiez de matière expérimentale de l’économiste.
Vous incarnez à merveille la qualité que doit avoir un économiste : celle d’être ouvert aux autres disciplines, tel que le requérait Hayek pour lequel « Il serait un mauvais économiste celui qui ne serait qu’économiste. »
(Friedrich Hayek, La route de la servitude, 1944.)
En dernier lieu, par votre capacité à rendre vivantes, attrayantes et concrètes les idées économiques
Grâce à vous, on découvre ou on renoue avec les grandes controverses qui jalonnent l’histoire économique, telles que :
- la question demeurée traditionnelle des craintes liées au progrès technique et ses incidences possibles en termes d’emploi ;
- la question brûlante de la dette publique ;
- la détermination du poids de la rémunération du capital par rapport au travail.
On aura reconnu là vos travaux sur les grandes controverses de la pensée économique.
Conclusion
Monsieur, pour toutes ces raisons, nous sommes fiers et heureux que vous soit remis ce grand prix.
Marc Bayle