Retrouvez ici l’article « Groenland : le dessous des cartes » par Philippe Reltien
Depuis sa réélection en 2025, Donald Trump relance l’idée d’annexer le Groenland, allant jusqu’à proposer une rente annuelle aux habitants. L’île, autonome au sein du Danemark, attire pour des raisons géostratégiques et économiques majeures. Les États-Unis y conservent la base de Pituffik (ex-Thulé), pilier de leur système d’alerte antimissile et positionnée stratégiquement pour surveiller l’espace aérien et maritime arctique. Washington envisage désormais d’étendre sa présence militaire, tandis que la Russie renforce sa propre militarisation du Grand Nord, avec de nouvelles bases nucléaires et des brise-glaces à propulsion atomique, ranimant une rivalité arctique à haut risque.
Le réchauffement climatique ouvre de nouvelles routes maritimes et stimule à la fois un « tourisme de la dernière chance » et l’intérêt des géants du numérique pour y installer des data centers refroidis naturellement et des câbles de fibre optique reliant plus directement l’Asie à l’Europe. Parallèlement, le sous-sol groenlandais recèle des ressources stratégiques — terres rares, nickel, uranium, cuivre, graphite — cruciales pour la transition énergétique et l’industrie de défense. Les États-Unis y voient un moyen de réduire leur dépendance à la Chine, qui contrôle près de 70 % de la production mondiale de métaux critiques et développe sa propre « route de la soie polaire ».
Selon le géographe Emmanuel Véron, chercheur associé à l’École navale, Pékin cherche ainsi à étendre son emprise géostratégique sur l’Arctique, en contestant l’espace d’influence américain et en renforçant sa coopération avec la Russie.
Sur le plan intérieur, l’uranium reste interdit depuis 2021, tandis qu’une mine de terres rares (Tanbreez) doit voir le jour d’ici 2027. Le parti Demokraatit, favorable à l’indépendance, a remporté les élections de mars 2025, ouvrant la voie à d’éventuels accords de “leasing” avec Washington. Mais la société civile groenlandaise, farouchement anti-impérialiste, continue de rejeter toute tentative d’annexion.
Le Groenland s’impose ainsi comme un pivot stratégique mondial, où climat, ressources, numérique et rivalités militaires redessinent la géopolitique du XXIᵉ siècle.