La chute de l’Occident dans « Le Temps long »

Pierre Brousse

Tous ceux qui observent le monde et veulent le voir comme le produit d’un temps long marqué de cycles de guerres et de paix se rassurent : soit en essayant d’échapper à la « Loi de Murphy », soit en ayant foi dans une alternance magique entre le bien et le mal.

Marx et ses adeptes ont construit leur foi à partir d’un « déterminisme » fondé « scientifiquement » sur une analyse  matérialiste de l’Histoire. Aveuglé par la cruauté du monde du XIXe siècle, le marxisme a engendré une monstrueuse forme de Pouvoir au moment où les horreurs de la révolution industrielle s’estompaient. 

D’autres, inspirés par Platon, savent que les sociétés humaines se construisent en ajoutant à la raison la même dose de passions. Ils se rassurent donc en invoquant les cycles historiques où le malheur mène à une sagesse engendrant  de nouveaux malheurs.

Le grand Ibn Khaldoun avait, quant à lui, très subtilement et simplement analysé l’évolution des sociétés à caractéristique d’État à travers un enchaînement de cycles de quarante ans, comparable à ce que disent les gens de la rue à propos des fortunes familiales qui, souvent, se développent sur deux générations pour disparaitre à la troisième.

Vue d’Europe, à cet instant, la question qui se pose est de savoir si le déclin de l’Occident va se poursuivre ou s’il est simplement consommé.

Après quelques mois de TRUMP II, révisons nos paramètres.

L’Occident (vraiment) démocratique a inventé et appliqué à grande échelle la forme la plus achevée des organisations sociales.

Ses valeurs se fondent sur une coopération entre les membres de la société civile. Cette coopération, qui recherche l’intérêt mutuel et collectif, est consubstantielle à la liberté individuelle ; elle s’oppose par essence aux structures pyramidales, dictatoriales et liberticides peu efficaces. 

Comme le disait Churchill de la démocratie : « c’est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres ».

Donc, nous y tenons.

La déliquescence de la société américaine au XXIe siècle et l’actuelle pratique politique du deuxième mandat Trump peuvent porter le coup de grâce au modèle institutionnel que l’Occident révère depuis près de trois cents ans. Tout comme la diplomatie erratique de cette nouvelle administration républicaine a brisé la confiance de ses alliés et vassaux.

Cela, bien que l’Amérique tout au long de son histoire en ait fait d’autres : guerres d’agression contre le Mexique et l’Espagne, Big Stick au Panama, à Haïti, au Chili ; à l’intérieur Maccarthysme et ségrégation raciale jusqu’aux années soixante, puis défaite du Viet Nam, agression de l’Irak et enlisement au Moyen-Orient ; guerre commerciale dans le fond comme dans la forme.

Trop, c’est trop ! Washington a à la fois ruiné la confiance de ses vieux alliés et altéré un modèle de société loué pour son efficacité.

Aujourd’hui, tous les non-américains savent que le Capitole a sacrifié ses oies et qu’ils ne doivent compter que sur leurs propres forces.

Certes, les Etats-Unis ne sont pas près de disparaître. Mais leur hégémonie est partout remise en cause dans à peu près tous les domaines. Leur train de vie déraisonnable, largement financé par le reste du monde, et la diminution de l’espérance de vie moyenne, malgré des dépenses de santé record, en sont les symptômes patents.

En résumé, la production du reste du monde représente trois fois plus que celle des USA à dollar courant ; tandis que sa puissance démographique est plus que dix fois plus forte.

Souvenons-nous qu’à son apogée l’empire britannique représentait plus de la moitié de la richesse mondiale.

Alors la loi de la gravité s’appliquera et la dominance économique migrera rapidement vers l’océan Indien et le sud de l’Asie.

Mais notre Occident survivra.

Et ses peuples s’épargneront bien des mésaventures en n’écoutant pas les Trissotins et autres Vadius qui radotent les analyses éculées du passé, du plus loin au plus proche. Tout comme le signataire de ces lignes, ils ont échoué. La recherche de « l’équilibre géopolitique et social », béni par leurs parents et leurs aïeuls, n’est plus de mise dans le monde numérique. Le double suicide de l’Europe du XXe siècle et son réveil ne peuvent servir de support à un cours magistral de prospective. L’État providence est devenu apoplexique, voire mourant.

L’équilibre international sagement recherché à Tordesillas, en Westphalie, à Vienne, à Versailles ou à Yalta est aujourd’hui lui aussi complètement obsolète ; tout comme le Multilatéralisme et son Droit, derniers surgeons d’une diplomatie « à l’ancienne ».

Les leçons des guerres de religion, de la société industrielle et de service à la recherche de l’aisance pour le plus grand nombre, et plus prosaïquement l’idée du confort « bourgeois », appartiennent au passé.

Nous vivons une révolution dont, comme le disait à peu près Tocqueville « nous ne pouvons pas mesurer la profondeur ». Elle sera probablement soldée demain, sur toute la Planète, par une redistribution violente des  richesses et des influences.

« Occidentaux », soyons prêts, pour sauver les meubles, à tout remettre en cause : pouvoirs collectifs et confort individuel. Hormis la crise climatique, ce ne sera pas nécéssairement plus sauvage ou dur que ce que la grande Histoire a déjà enregistré.

UNGUIBUS ET ROSTRO PIERRE BROUSSE

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